Incendie de Notre-Dame: «Les travaux en cours n’impliquaient aucun point chaud»
Rémi Fromont et son associé avaient réalisé en 2014 le relevé des charpentes de Notre-Dame de Paris. Aujourd’hui architecte en chef des Monuments historique, il met leurs travaux à disposition de Philippe Villeneuve, en charge de la cathédrale.
Julie Nicolas
Selon vous, quelles pourraient être les causes du départ de feu ?
Il est impossible à ce stade de connaître les causes de l’incendie de Notre-Dame de Paris. Le premier constat que je peux faire est qu’il ne s’agit pas d’une négligence. L’ouvrage était particulièrement surveillé. A ma connaissance, il était équipé d’un système d’aspiration automatique, qui déclenche l’alarme en cas de détection de fumées.
Ce dispositif est l’un des plus adapté aux monuments historiques en général, car il est très peu invasif et robuste. Le mécanisme était-il inactif ? Aurait-il dysfonctionné ? Il est trop tôt pour le dire.
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A ce stade, il est impossible de le déterminer. J’ai parlé à l’architecte en chef des Monuments historiques en charge de la cathédrale, Philippe Villeneuve. Selon lui, les travaux en cours n’impliquaient pas de point chaud. Et, précaution supplémentaire, l’électricité était purgée dans la charpente. Toutes les personnes qui connaissent bien l’édifice sont donc très surprises et ne comprennent pas ce qui a pu provoquer le désastre.
« L’échafaudage en forme de tabouret, qui était en cours de montage, a bien résisté et c’est une chance »
Quel bilan dressez-vous au lendemain de l’incendie ?
Il est aujourd’hui clair que la totalité de la couverture, c’est-à-dire la charpente et la toiture, a été détruite y compris la flèche. D’après les images que j’ai pu voir, une partie de la flèche est tombée sur les voûtes du chœur et ces dernières semblent avoir résisté. Une autre partie de la flèche s’est effondrée sur elle-même. Sous l’action combinée de la chaleur et du poids des bois, une partie de la croisée a donc cédé. La flèche et les charpentes du transept dataient du XIXe siècle et avaient été édifiées par Viollet-le-Duc.
Heureusement, le feu ne semble pas avoir endommagé de façon significative la tour Nord. Il va maintenant falloir être très vigilant sur la tenue et la stabilité de l’ensemble de l’édifice. Il faudra vérifier en particulier l’état des voûtes et des arcs-boutants, dont les pierres ont été échauffées.
Que pensez-vous de la tenue de l’échafaudage ?
A ma connaissance, l’échafaudage en forme de tabouret qui était en cours de montage, a bien résisté et c’est une chance. Comme souvent avec les Monuments historiques, ces échafaudages doivent toucher a minima la structure de l’édifice. Ici, il enjambe toute la toiture. S’il s’était effondré, les dégâts auraient été encore plus importants.
Il est important de noter que justement il a résisté aux flammes. A ce titre, le travail des pompiers semble d’ailleurs être exemplaire. Visiblement, ils sont parvenus à maintenir une température relativement basse en pied de la structure temporaire, ce qui a contribué à son maintien.
« La charpente de Notre-Dame est particulièrement complexe puisqu’elle contient beaucoup de bois de réemploi »
Comment évaluez-vous ces pertes d’un point de vue historique ?
Je suis atterré ! Nous venons de perdre un joyau inestimable de l’architecture médiévale. Un témoin de la construction gothique. La charpente de Notre-Dame est particulièrement complexe puisqu’elle contient beaucoup de bois de réemploi. En effet, lorsque la nef a été rehaussée au début du XIIIe siècle, il semble que certains bois de l’ancienne charpente avaient été conservés et réutilisés. Nous avons pu nous en apercevoir lors de nos relevés réalisés en 2014. Nous avons constaté que de nombreuses mortaises étaient vides, tandis que deux numérotations coexistaient. Nous avons mis en évidence d'une part des marquages archaïques du XIIe, sans succession cohérente, et d'autre part, des marquages du XIIIe, homogènes sur la quasi-totalité des charpentes du chœur et de la nef. Cette richesse archéologique est désormais partie en fumée.
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De même, la flèche et la couverture en plomb constituaient des chefs-d’œuvre signés Viollet-le-Duc. La disposition verticale des tables de plomb et la grande verticalité de la flèche conféraient tout son élancement à la cathédrale. Elle participait ainsi à la définition de la skyline parisienne. Par chance, les statues en cuivre des douze apôtres qui ornaient la flèche avaient été déposées la semaine dernière et sont donc en sécurité. Lorsque viendra le moment de les reposer, ce sera particulièrement émouvant.
Quelles vont être les prochaines étapes désormais ?
Il va maintenant être nécessaire d’identifier les zones fragilisées par l’incendie. A la demande des services de l’état, l’ensemble du corps des architectes en chef est mobilisé au chevet de Notre-Dame. Nous mettons toutes nos compétences et nos moyens au service de Philippe Villeneuve. L’objectif à court terme est de stabiliser l’édifice et de purger tout risque de nouvelle dégradation.
Il s’agit de vérifier les structures, mais aussi d’organiser l’évacuation des œuvres. Par ailleurs, avec Cédric Trentesaut, nous sommes en train de récoler les différents éléments que nous avions réalisés en 2014 lors de nos relevés de la charpente pour les mettre à disposition des professionnels.
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